Une journée vélivole

Gilbert Benzonana René Zahnd

Par Gilbert BENZONANA et René ZAHND

Avant propos

Le Groupe Genevois de Vol à Voile de Montricher (ci-après GGVVM) fait partie de l’aéroclub de Genève, lui-même affilié à l’aéroclub Suisse.

Le GGVVM est un club indépendant du point de vue financier, il opère depuis l’aérodrome de Montricher au pied du Jura non loin de la place d’armes de Bière. Cet aérodrome est exclusivement réservé au vol à voile et seuls les avions remorqueurs basés y sont admis.

Il est géré conjointement au sein d’une fondation avec le Groupe Vaudois de Vol à Voile de Montricher (GVVVM ci après) toutefois chacun des clubs jouis de ses propres statuts.

La pratique du vol à voile se distingue de celle du vol à moteur par deux aspects fondamentaux : c’est un sport d’équipe contrairement au vol moteur qui peut parfaitement se faire en solo, et c’est une activité hautement écologique. Elle ne réclame en effet une aide externe qu’au moment du départ et pour une durée assez brève qu’il s’agisse alors d’un avion tracteur, d’un treuil ou éventuellement d’un moteur auxiliaire soit thermique soit plus rarement électrique.

Même si à bord d’un planeur il n’y a en général qu’un seul pilote, (les planeurs biplaces existent aussi, mais ne constituent qu’une minorité d’appareils) différentes phases de ce sport requièrent la présence impérative d’équipiers comme on le verra plus loin. Par ailleurs une fois le planeur amené à une certaine hauteur au dessus de son point de départ, il tire son énergie du soleil que ce soit directement par les courants thermiques ou indirectement sous l’influence du vent, le pilote devant alors lui-même rechercher l’un ou l’autre de ces facteurs pour se maintenir en vol et parvenir au but qu’il s’est fixé.

La journée d’un vélivole

Voyons donc maintenant comment se déroule une journée de vol à voile sur la place de Montricher.

GGVVM - horloge BREITLING

46 minutes avant l’heure H

Le sportif ou le visiteur qui arrive à cet aérodrome y est accueilli dans un cadre bucolique de forêts et de champs aux couleurs changeantes selon les saisons et les cultures avec en permanence des spectatrices plus ou moins attentives : les nombreuses vaches pour qui l’observation d’engins volants a remplacé celle des trains.

Comme la journée d’un vélivole commence en général vers 9h, son premier soin est de se précipiter au confortable «Club House» dont dispose le club pour y retrouver les sportifs encore plus matinaux que lui (certains d’entre eux ont pu dormir sur place car le bâtiment dispose de chambres réservées aux membres du club) et se préparer au moins un café quand ce n’est pas un copieux petit déjeuner car la pratique de ce sport requiert comme tout autre de sérieuses réserves d’énergie.

Le Briefing et ce qui s’en suit

C’est lorsque la pendule du hangar indique précisément 9h30 que commence un exercice quasi militaire : en effet le vol à voile nécessite une discipline certaine pour maintenir cohésion et sécurité. L’adjudant de service, un des moniteurs nécessairement présents appelle d’une voix de stentor, car on n’a encore introduit le clairon ou la cloche, les sportifs à cet exercice indispensable qu’est le «briefing», les obligeant à abandonner leurs «discussions de café du commerce» pour entrer dans le vif du sujet.

Gunter Voegtle, moniteur GGVVM

C’est l’heure H, début du briefing et diffusion des informations et des pronostics météo de jour alors que…

LSTR le briefing du matin

tous sont attentifs pour ne pas manquer les éléments essentiels.

Un planeur ne vole que si les conditions météorologiques s’y prêtent et si les avions civils et militaires veulent bien lui laisser un espace de liberté. Le but de ce briefing commun aux membres des deux clubs est précisément d’informer tous les pilotes grâce à différents bulletins (NOTAM, messages d’observation météorologiques et prévisions météorologiques) des conditions atmosphériques prévues tout au long de la journée au dessus de la Suisse et des pays limitrophes (ascendances prévues, vents, visibilité, nuages), et des exercices militaires en cours avec les zones dangereuses ou réglementées (restrictions) correspondantes. On décidera aussi de la piste en service et les conditions que ce choix impose pour la sécurité. Le briefing va permettre ainsi à chacun de définir en connaissance de cause un projet de vol qu’il soit local, régional ou à grande distance. Les pilotes du GGVVM et ceux du GVVVM rejoignent alors leur club respectif pour y organiser leurs activités propres.

Comme les planeurs sont dans leur majorité propriété du club, il s’en suit alors d’âpres discussions pour s’attribuer le planeur qu’on désire. Le moniteur de service joue les modérateurs et «ventile» les appareils en fonction des capacités des pilotes, de leurs projets et de la présence éventuelle de visiteurs désireux d’effectuer des vols.

Il faut souligner que la survie du club répond aux mêmes critères que ceux d’une nation… les arrivées (arrivée de nouveaux membres-immigrants ou formation de nouveaux citoyens-vélivoles) doivent compenser les départs et une attention particulière est donc portée à la formation des élèves. Ils sont particulièrement chouchoutés à Montricher et au moins un planeur (type ASK13) voire un second (ASK 21) leur sont réservés en toute priorité.

Si les élèves jouissent de certaines prérogatives comme on le verra encore plus loin, ils ne doivent pas se contenter de se laisser «materner». La pratique du vol à voile requiert une bonne dose d’initiative et d’entraide et les élèves sont vivement encouragés à prendre de «bonnes habitudes» et ne pas se laisser aller aux doux bercements d’une paisible classe maternelle.

C’est ici qu’intervient le planchiste, ce malheureux volontaire désigné a un rôle capital qui consiste à relever dans un premier temps l’attribution des appareils. Par la suite il (ou elle) note sur la «planche de start» tout au long de la journée les départs et retours des avions et planeurs afin d’établir les durées de vol respectives et de déterminer le montant des factures correspondantes dont dépend la bonne marche du club : autrement dit le pain bénit de notre trésorier.

Cette planche est aussi un élément de sécurité capital car elle permet de vérifier au fil de la journée si les pilotes sont bien rentrés à Montricher et en cas d’absence se préoccuper de savoir si l’un d’entre eux a du atterrir sur un aérodrome de dégagement, voire «aller aux vaches» dans un champ.

Lorsqu’un pilote n’a pu retourner par ses propres moyens à Montricher il convient de s’assurer de son état et organiser son rapatriement et celui de sa machine dans les meilleures conditions. C’est là qu’intervient encore la solidarité de l’équipe vélivole dont on discutera plus loin.

Une fois que chaque pilote s’est vu attribuer sa machine, le moniteur établit un planning de travail en fonctions des élèves, des éventuels vols de contrôles ou épreuves auxquels peuvent être encore soumis les pilotes licenciés et des baptêmes de l’air annoncés.

Sortie des planeurs et avions-remorqueurs et mise en piste des appareils

Commencent alors les premières «épreuves sportives». L’ouverture des lourdes portes du hangar et la sortie des machines souvent sous l’oeil inquisiteur d’Eric le chef du matériel.

Eric Santschy, ancien chef matériel

Notre chef matériel, toujours attentif

Inquiet comme une mère poule, il est capable de se muer à la moindre maladresse vis-à-vis d’un de ses chers «poussins volants» en un cerbère féroce à la moustache hérissée dont les grognements ramènent rapidement dans le droit chemin le maladroit ou le distrait..

En même temps que les planeurs, sortent un à un du hangar, nos deux avions remorqueurs :

le gracieux Piper Super Cub immatriculé HB-PDL

GGVVM - HB-PDL

le gracieux Piper Super Cub immatriculé HB-PDL

GGVVM - HB-PFW

le Piper Pawnee HB-PFW

et le Piper Pawnee HB-PFW, un avion d’épandage (acheté neuf d’usine, sans cet équipement) à la silhouette pataude, reconverti au vol à voile avant même d’avoir occis le moindre coléoptère. Pris en charge par leurs pilotes, outre les contrôles habituels, ce sont les cordes de remorquage qui sont l’objet d’une très grande attention. Somme toute la vie des pilotes en remorquage, au début de leur vol, ne tiendra alors qu’à un fil au sens propre du terme.

Digression mise à part, le planchiste voit maintenant commencer son pensum. Il doit sortir de son parking la pétaradante camionette-tour de contrôle, y embarquer la radio et son «outil de travail» la planche, puis gagner le bout de piste où il décharge table, chaises, coussins, parasol, prend soin éventuellement du toutou d’un des membres, observe et enregistre durant toute la journée les allées et venues des appareils.

LSTZR - ex tour de contrôle

La camionnette – tour de contrôle peut également servir

GGVVM - la tenue des vols sur la planche

de Club-house mobile

Parfois il peut avoir la chance que la bonne fée, Elfie, l’épouse attentionnée de Paul notre ancien président, toujours moniteur et vélivole enragé au milliers d’heures de vol, vienne le soulager de sa tâche et lui rende sa liberté pour qu’il puisse s’envoler lui aussi, tel un oiseau libéré de sa cage…

Elfie GUNIAT - notre planchiste membre d'honneur

Notre fée planchiste qui souvent fait repousser les ailes de pilotes à priori cloués au sol par la fonction de planchiste du jour,

GGVVM - Le Mont Tendre

ce qui est particulièrement apprécie lorsque le ciel semble annoncer une belle journée

Et pendant ce temps là les pilotes, une fois leurs machines sorties, s’activent aux contrôles pré vol. Ceux-ci consistent à vérifier la bonne tenue des commandes (déjà ici il est impossible de se passer de l’aide d’un coéquipier), le réglage et l’exactitude des instruments de bord et l’absence tant dans le cockpit que dans les ailes de passagers clandestins indésirables : les loirs ! Ces gracieux rongeurs ont su adapter la modernité à leur vie campagnarde : ils adorent se nicher dans le «sagex» (polyuréthane expansé) dont sont bourrés les machines, ils y dégustent souvent les manuels de bord, grignotent parfois les parachutes et il est déjà arrivé qu’un de ces animaux passé inaperçu et sans doute profondément endormi, finisse par se réveiller en vol pour sauter sur les genoux d’un pilote en phase d’atterrissage et passablement ahuri.

Reste maintenant à positionner les planeurs sur une aire de parking pas trop éloignée de l’extrémité de la piste choisie ce jour là. Là aussi il est impossible à un «membre lambda» du club de se passer de l’aide d’un collègue qui accrochera son appareil derrière une des voitures de piste pour le tracter jusqu’à l’endroit propice.

GGVVM - voiture de piste en oeuvre

Une voiture de piste à l’oeuvre

Ces voitures sont généralement de vieux véhicules échappés à la casse, amoureusement maintenus en survie par Patrick notre président, qui s’obstine à leur administrer des pièces de rechange jusqu’à leur coma explosif final.

GGVVM - Patrick Mégard

et notre intrépide Président, réparateur infatigable

Et les élèves, cette génération montante garante de l’avenir du club ? Comme les autres membres du club ils ont remorqué «leur» planeur en bout de piste et le premier d’entre eux se rend aux ordres du moniteur qui lui exposera la stratégie de la leçon du jour. Dûment harnachés dans leur parachute et le planeur en bout de piste, moniteur et élève sont prêts pour un premier départ. Ainsi les élèves jouissent d’un rare privilège : ne pas devoir attendre en bout de piste. Dès qu’un avion remorqueur est disponible, ils peuvent décoller…

Premiers décollages et atterrissages de la journée.

En général les premiers décollages du jour ont pour acteurs le moniteur et l’un de ses élèves. Outre la priorité dont ils jouissent tout au long de la journée, les élèves bénéficient, si l’on peut dire, des conditions météorologiques encore peu favorables, pour des vols de distance aux premières heures de la matinée. En effet le soleil n’a pas encore réchauffé suffisamment le sol et les «thermiques» ne commenceront à se faire sentir qu’à partir de 11h en général. L’air est calme ce qui facilite les manœuvres de pilotes peu expérimentés.

À moins qu’une forte bise, propice au «vol de pente» ne se fasse sentir ou qu’un vent du Nord-Ouest ne déclenche de «l’onde», les vélivoles confirmés se hasardent rarement à entreprendre un vol trop matinal. Un vol réussi à moyenne ou longue distance est rarement le fait des «lève tôt» sauf cas particuliers.

C’est maintenant que les informations du «briefing» matinal prennent leur importance pour le choix du vol que va entreprendre le pilote. De bonnes connaissances de la météorologie et de la topographie ainsi que celle des performances de l’appareil et de son équipement électronique embarqué sont nécessaires pour faire d’un vol une pleine réussite.

En fait sous ses dehors épurés, un planeur moderne est un concentré de technologies sophistiquées tant dans sa construction (fibres de carbone et résines de synthèse autorisent une ossature extrêmement légère et parfaitement profilée) que pour l’électronique de bord qui joue un rôle de plus en plus important pour l’aide aux décisions du pilote.

GGVVM - Tableau de bord de LS8 HB-3288

La technologie embarquée, aide précieuse pour le vol

Ainsi une fois un planeur contrôlé, on peut voir parfois une étrange opération. Le pilote remplit les ailes de sa machine de quelques dizaines de litres d’eau. Nouveau carburant écologique, peur de mourir de soif ? Plus simplement il s’agit d’un ballast qui augmente le poids de son appareil ce qui lui procurera une plus grande vitesse dans les phases rectilignes de vol. A son retour le soir, au dessus de l’aérodrome on pourra le voir se délester de sa charge en deux minces filets de gouttelettes scintillantes qui signent la plupart du temps la fin d’un «beau» vol.

GGVVM - vidange des ballasts d'un planeur

Le délestage avant l’atterrissage, spectacle toujours apprécié

Plus généralement, beaucoup des pilotes confirmés avant leur départ jouent du stylet sur leurs «iPaq» ces petits ordinateurs de poche qui accompagnent de plus en plus leur propriétaire. Fixés bien en vue dans le cockpit de l’appareil, ils enregistrent le vol .et mémorisent un carte qui défile tout au long du parcours permettant au pilote de consulter moins fréquemment ses documents papier.

Et voilà que le soleil a fini par réchauffer suffisamment l’atmosphère. Les planeurs se pressent à l’extrémité de la piste où ils abandonnent un à un leur roulette de queue. Le pilote de tête enfile son parachute, coiffe son chapeau, chausse ses lunettes de soleil, vérifie ses cartes, et dûment muni d’une réserve d’eau potable se glisse dans son cockpit où il fixe les sangles de sécurité. Un coup d’œil aux instruments, il rabat la verrière, manipule les commandes pour en vérifier la pleine liberté. L’avion remorqueur se place en tête, un équipier fixe le câble de remorquage

GGVVM - l'ex planeur école , un ASK13

accrochage de la corde et …

au planeur et en vérifie la ferme attache puis se place près d’une aile. Un signe du pilote lui demande de vérifier que le ciel aux abords de l’aérodrome est libre. Le pilote lève le pouce, le coéquipier relève une aile plaçant la machine à l’horizontale et fais signe au remorqueur de tendre la corde. Corde tendue, le moteur de l’avion s’emballe, c’est parti !

GGVVM - l'ASK13 décolle

… c’est le départ

Planeur et avion roulent, puis le premier le planeur décolle tandis que l’avion à son tour finit par s’élever et le couple disparaît peu à peu dans le ciel.

Cette opération se répète ainsi de nombreuses fois et tandis que les «champions» ne retourneront sans doute pas avant plusieurs heures, les élèves et les pilotes moins friands (ou moins adroits, osons le dire) de longs vols, commencent à revenir.

De temps à autre la fine silhouette d’un planeur approche en longue finale, aérofreins sortis, il s’abaisse rapidement vers la piste dans un léger sifflement, un élégant arrondi, il touche le sol sur sa petite roue principale vire et file vers le bord de la piste où il s’immobilise. C’est un vol qui s’achève.

La matinée est déjà terminée et pour de nombreux acteurs de cette première phase tels le(s) moniteur(s), les élèves, les pilotes pas encore partis mais qui ont prêté main forte à leurs collègues ou ceux déjà de retour, il est temps de faire une pause.

La pause de midi

Comme son nom ne l’indique pas, la pause de midi a rarement lieu à cette heure, mais plus généralement lorsque les circonstances le permettent et ce jusqu’à 14h00 en général. Les membres présents au sol refluent vers le club house pour s’y détendre et déguster quelques sandwiches, voire certaines friandises amoureusement préparées par une épouse dévouée mais absente (il est souvent question ici d’une certaine Madame Colombo dont l’heureux Gilbert nous laisse entrevoir les délicates compositions culinaires) ou bien de délicieux gâteaux rapportés d’une certaine pâtisserie de l’Isle, le village tout proche, où d’accortes serveuses représentent un motif supplémentaire de déplacement.

La pause est aussi l’occasion pour le moniteur de tirer avec ses élèves le bilan des vols du matin avec leurs points positifs ou les erreurs à corriger. Quant aux licenciés restés ou sol ou prématurément revenus, ils discutent aussi des vols effectués ou à venir avec leurs espoirs de trouver les bonnes «pompes» qui leur permettront de faire le vol intéressant.

Mais si nous sommes au printemps ou en été, le soleil chauffe fort, il ne faut pas traîner, l’équipe ne tarde pas à retrouver le seuil de piste…

Parfois elle abandonne lâchement Gilbert dont la crinière poivre et sel dodeline doucement et qui d’un pas mal assuré (que voulez-vous l’arthrose) finit par s’écrouler dans un fauteuil pour un couler une petite sieste réparatrice. Mais que l’on ne s’y fie pas il ne dort que d’un œil et finira par retrouver rapidement l’équipe, fringant comme un jeune poulain et prêt à entraider ses pairs…

La reprise des vols

Pour la majorité des pilotes le début de l’après midi est le moment le plus favorable pour espérer faire un vol de courte ou moyenne distance. La proximité des hauteurs du Jura offre de nombreux sites propices à des ascendances intéressantes, ces fameuses «pompes». L’un après l’autre les planeurs s’envolent, et il n’est pas rare de voir de 5 à 10 planeurs qui attendent leur tour l’un derrière l’autre, tandis que l’on commence à entendre les commentaires des pilotes en vol ou qui sont encore en remorquage.

GGVVM - compétition de planeurs à Montricher

Les journées de concours peuvent offrir des alignements impressionnants

Le silence radio devrait être la règle sauf pour les indications strictement indispensables au bon fonctionnement du remorquage et à l’approche de l’aérodrome. Mais comment trop en vouloir à ces sportifs qui s’enthousiasment ou se désespèrent des conditions atmosphériques….

Le Mont Tendre, le Châtel et le parking du Mollendruz sont autant de points proches de l’aérodrome et où les caprices de la Nature ont permis que se génèrent ces «pompes», propices à prendre de l’altitude pour ensuite poursuivre sa route vers d’autres lieux avec une bonne réserve d’altitude…

Nuages à Montricher  Nuages à Montricher  Nuages à MontricherNuages à Montricher

Chaque type de nuage a son langage, au pilote de savoir l’exploiter

C’est pourquoi on y observe souvent des concentrations de planeurs en train de spiraler au dessus d’un même point. C’est là un autre élément qui distingue le vol à voile du vol motorisé. Qui oserait grouper de 5 à 10 avions dans une circonférence de moins d’un kilomètre, c’est néanmoins ce qui se produit assez souvent avec les planeurs.

Conscients du danger potentiel que représentent pour les vélivoles de telles concentrations de planeurs qui tous recherchent une même source d’énergie, des chercheurs Suisses passionnés ont inventé un astucieux système anti-collision le «FLARM».

Technologie FLARM

Technologie FLARM

Cet appareil couple un GPS avec un calculateur de trajectoire. Un émetteur-récepteur radio transmet celle-ci dans un rayon de quelques kilomètres et si deux planeurs se rapprochent l’appareil déclenche un signal optique, si leurs trajectoires convergent de façon dangereuse il s’y ajoute un fort signal sonore. En outre et pour parer aux câbles électriques ou de transport de bois (ces «tueurs de pilotes») le système intègre dans sa mémoire leur distribution dans toute la Suisse. Un vélivole contraint de se glisser dans une vallée étroite ou «d’aller aux vaches» sera averti du danger le cas échéant.

La proximité de l’aéroport de Cointrin avec celle de Montricher ne facilite pas la tâche des pilotes de planeurs qui ne doivent en aucun cas dépasser des altitudes bien définies sous les différents secteurs de la TMA de cet aéroport international afin d’éviter tout risque de collision avec un avion commercial en cours d’approche ou après son décollage.

Les vélivoles sont parfaitement conscients des difficultés de cohabitation entre vol libre et vol commercial. En outre les pilotes de planeurs même s’il défendent cette cause très en pointe actuellement qu’est l’écologie et une autre qui ne l’est pas moins la liberté de se déplacer ne pèsent pas très lourd dans l’économie (2500 vélivoles, une paille, même si cette paille est la crème des pilotes !). Les pilotes de planeurs de la région de Zürich en savent quelque chose qui se sont vu diminuer les espaces aériens de moitié par les contraintes du grand aéroport alémanique.

À Montricher la défense de notre liberté a abouti à un accord acceptable avec les organes de contrôle (OFAC, Skyquide). Les pilotes vélivoles expérimentés ont encore la possibilité de naviguer, dans une tranche d’altitude, entre les sommets du Jura et les planchers des différents secteurs de la TMA. Mais dès que les limites de ces planchers sont atteintes, l’espace est réservé à l’aviation commerciale, volant sous les règles de vol aux instruments (IFR).

Ainsi lorsque les conditions météorologiques sont très propices au vol à voile en particulier lors des bonnes ascendances estivales ou qu’un fort vent génère de l’onde, il est possible d’atteindre sur les crêtes du Jura au voisinage du lac de Joux tout proche une altitude de 2300 m. Cette altitude marque la limite supérieure de notre liberté vis à vis de notre grand voisin. Toutefois sur simple demande formulée par radio auprès du contrôle aérien de Genève-Cointrin celui-ci accorde généralement, au dessus de Vallorbe par exemple, 600m d’altitude supplémentaires pour une durée variable et si le trafic commercial n’est pas trop intense on peut avoir l’autorisation de monter «un peu plus haut».

Ce sont des conditions très favorables compte tenu de la situation géographique de Montricher, même si certains anciens du club regrettent les temps lointains où ils pouvaient encore monter à 6000 m et admirer de là haut tout le panorama du Jura jusqu’aux Alpes Italiennes.

Lorsqu’une altitude de 2000 m ou plus peut-être atteinte au voisinage de Montricher, en général les conditions de vol se révèlent très favorables sur de larges espaces. Le briefing matinal a permis généralement de prévoir cette situation. Profitant d’une onde, de «rues de nuages», ces cumulus de beau temps qui se suivent et sous lesquels on trouve de belles ascendances, ou d’ascendances variées un certain nombre de pilotes chevronnés font alors «de la distance» : aller le plus loin possible (et revenir !) compte tenu de conditions favorables.

Courant Juillet 2007, deux pilotes par exemple ont atteint l’Allemagne à l’issu d’un aller de plus de 300 Km d’où ils sont tous deux revenu de la même façon et bien sûr sans escale.

En 2003, année avec une météo exceptionnelle, de très beaux vols de distances ont été réalisés au départ de Montricher. Le 13 août 2003 Valentin Maeder, pilote du groupe genevois de Montricher, réalisait un triangle FAI de 887km (record suisse) après avoir battu déjà deux fois le record suisse les jours précédents (triangles FAI de 756 K, et 818 Km). Le même jour, Roger Larpin, pilote du groupe vaudois de Montricher, accomplissait un circuit de 1023km au départ de Montricher en passant par le Château de Chillon, Innsbruck, Grenoble, Château de Chillon et retour. C’est le premier 1000km fait depuis Montricher.

De temps à autre un pilote victime de la malchance ou ayant choisi une mauvaise option n’a pas assez d’altitude ou ne trouve plus de «pompes» pour regagner Montricher. Il n’a d’autre solution que de se poser sur un aérodrome qui se trouve «en local» de sa position, d’où il repartira peut-être avec l’aide du remorqueur éventuellement présent. S’il a moins de chance encore il devra se «vacher» dans un champ. De là il avertira un collègue de Montricher à moins que le planchiste n’ait déjà tenté de le localiser. Un véhicule avec la remorque ad hoc viendra très rapidement au secours de l’infortuné. Le planeur démonté en moins d’une demi heure (c’est beau la technique) sera chargé sur la remorque et rapatrié au «nid» avec son pilote.

La fin de la journée approche, pilotes heureux ou malchanceux (ils sont rares) regagnent leur «port d’attache».

Fin des vols pour la journée

«Enfin» dit (ou pense) le planchiste qui remballe son matériel, bien souvent aidé il est vrai par certains des participants encore présents autour de lui. Dans son habituelle pétarade notre tour de contrôle ambulante file vers le club house. La précieuse planche aussitôt déposée provoque la ruée des pilotes désireux de retranscrire leurs vols et éventuels «exploits» dans leurs carnets de vol.

Les derniers planeurs en bord de piste sont remorqués aux abords du hangar prêts à regagner leur abri.

Mais moniteur(s), et «anciens» veillent. La journée n’est pas finie. Les planeurs, ces coursiers des airs sont comme les purs sangs, ils nécessitent sinon l’étrille du moins l’éponge. Il s’agit de débarrasser leurs ailes et gouvernes de multiples insectes qui s’y sont accumulés au fil des vols et qui, toute esthétique mise à part, en affectent fortement les performances.

Mesdames les épouses des pilotes (on peut ici vivement regretter que la gent féminine boude le pilotage) que ne voyez vous vos aimables compagnons jouer avec vigueur et adresse de l’éponge et de la peau de chamois, cela vous donnerait de bien bonnes raisons pour leur confier aussi à la maison pulvérisateurs et balayettes ! Même les pilotes remorqueurs bichonnent avec le même enthousiasme leur avion, un peu trop souvent oubliés dans leur tâche par ceux qu’ils ont aidés tout au long de la journée.

Un dernier effort enfin, et tout le monde finit par s’y mettre, le hangar tel Gargantua ravale tous les appareils que les pilotes y glissent avec délicatesse, puis recouvrent de leurs housses, tandis que les portes se referment comme les mâchoires de l’ogre. La journée est presque terminée.

Il reste toutefois un autre moment bien agréable de la journée à ne pas omettre.

GGVVM - les pilotes le soir

Que diable les pilotes ne sont pas des ascètes et tout est motif à la fête : nouveau licencié, lâcher seul, transition, vol de longue durée, etc., sont autant de motifs pour faire sauter le bouchon d’une bonne bouteille et tandis que le soleil se couche, la joie règne à l’aéroclub après cette merveilleuse journée de plein air.

Gilbert Benzonana