Petit retour sur le Championnat Suisse de Planeur qui s’est déroulé en juin : Christophe Leuenberger nous fait vivre son expérience

Du 3 au 10 juin de cette année, à Yverdon, s’est déroulé le Championnat Suisse de vol à voile. A cette occasion, Christophe Leuenberger a remporté le titre en classe « Open », sur son JSIC-TJ de 21m.

Fort de cela, il nous conte son aventure, en espérant qu’elle fasse envie à d’autres, et ainsi grossir les rangs des compétiteurs.

Voici son récit :

  • Championnats Suisse 2017

« En premier lieu, pardonnez-moi le nombre de « je » utilisé dans le récit ☹. Il me paraissait beaucoup plus facile d’écrire comme cela…

Mon emploi du temps ne me permettant pratiquement plus de voler, le lieu et les dates de ce championnat étaient intéressants pour moi cette année, pour faire quelques heures de vol à voile.

La machine utilisée est un JS1C de 21m (finesse 60), avec une petite turbine permettant de rentrer à la maison si les conditions deviennent mauvaises. Cette solution de « turbo » est à mon avis la meilleure pour du vol à voile de compétition car le planeur à vide a une charge alaire relativement faible (40 kg/m2) permettant de se sortir au mieux des « trous ». De plus, la simplicité d’utilisation de la turbine ainsi que l’aspect sécuritaire sont des paramètres tout à fait convaincants.

Gepostet von Groupe de vol à voile d'Yverdon am Donnerstag, 8. Juni 2017

 

Cette turbine a fait le bonheur des curieux sur la place ainsi que certains vétérans nous rendant visite. L’intérêt pour ce « turbo » était indéniable.

Avec ce planeur, je participe au concours en classe libre, donc sans coefficient planeur. Nous n’étions que 7 pilotes dans cette catégorie, sur un total de 32. Il faut surtout déplorer le peu de pilotes romands, alors que nos clubs (GE et VD) sont très actifs et regorgent de pilotes expérimentés et qui possèdent largement le niveau d’un championnat Suisse.

Hormis le premier vol, j’ai toujours mis 110 litres de ballast signifiant une charge alaire de 49 kg/m2.

Il faut souligner que ce planeur JS1C en 21m est fantastique. C’est un excellent grimpeur et avec de l’eau il fend l’air ! Il n’a absolument rien à envier aux grandes plumes telles que Nimbus 4 ou EB28.

  • Le but du concours : 

On distingue 2 types d’épreuves en compétition. Dans les deux cas seule la vitesse moyenne compte :

– Les AAT (Assigned Area Task), avec un temps de vol minimum.
Il ne faut pas voler moins que le temps minimum demandé, car la vitesse moyenne sera calculée sur ce temps minimum. Si on vole plus longtemps, la vitesse est calculée sur le temps effectif. Les rayons des points de virages sont assez grand afin que la distance de vol soit ajustée en fonction des conditions météo. Ce type d’épreuve est très largement utilisée car elle évite d’envoyer les pilotes «aux vaches» dans une zone qui ne serait météorologiquement pas bonne.

– Les racing task.
Dans ce cas, les points de virages ont un rayon de 0.5km. Tout le monde fait le même vol et le plus rapide gagne.

Epreuve n°1, du 3 juin :

Nous avons une petite épreuve AAT de 1h30 sur le plateau. Distance aux centres des points de virages (227.4km)

Le premier point de virage est au sud de Berne et le deuxième à Sottens. Les points de virages ont un rayon assez grands permettant un vol minimum de 106km et un maximum de 356.5km.

Après un bon départ sous les bases des nuages, j’avance bien jusqu’à Fribourg. Un petit taux de montée de 1.5 m/s m’aurait permis de faire le plein mais, comme souvent, je quitte l’ascendance avant d’être à la base, pensant trouver quelque chose de meilleur plus loin. N’arrivant pas jusqu’à la dernière colline avant Berne, je dois gratter bas dans un 0.5 m/s. Il finit par s’améliorer mais le temps perdu signifie qu’il ne sert à rien d’aller plus loin, sachant qu’il faut faire encore Sottens.

Je termine 2ème à 86.1 km/h en 1h39min.

Epreuve n°2, du 4 juin :

Racing task de 280.2km : Mühleberg – Bière – Rochefort.

L’épreuve se déroule majoritairement sur le plateau, hormis à la fin, sur le Jura. Avant de prendre le départ, je décide d’aller voir le Jura en direction de Rochefort… …mauvaise idée ! Limite de me vacher à Yverdon, c’est avec du retard que je prends le départ.

Je ne cesse de vouloir aller trop vite durant ce vol, sans prendre le temps de monter jusqu’aux bases des nuages. Cela se solde par une «vache virtuelle» à Payerne, puisque je dois enclencher ma turbine, qui me permettra de rentrer à la maison…

Les conditions se détériorant rapidement, personne ne termine l’épreuve. Le premier récolte quand même 821 points avec 214km. Bon dernier avec 286 points, je n’ai parcouru que 75km…

Epreuve n°3, du 7 juin :

AAT de 3h30 avec du Jura, du plateau et des Alpes, soit : Marchairuz – Lucerne – Bex.

Après un bon départ sous les bases, la situation se dégrade vite à Bois d’Amont. Demi-tour à 1’400m et cap sur la Dent de Vaulion. Avec le vent d’Ouest, la première chaîne du Jura, au bord du lac de Joux, porte légèrement même à 1’300m. J’arrive rapidement à Estavayer où une belle pompe me remonte jusqu’à 1’900m. En contact avec la tour de contrôle de Payerne, celle-ci ne m’autorise pas à couper la CTR pour un cap sur Thoune. En longeant le bord du lac de Neuchâtel, je vois deux F/A-18 qui décollent de Payerne, sympa.

Je raccroche bas sur les contreforts de Thoune et le vent d’ouest me pousse rapidement dans le 2ème secteur. A nouveau, je ne prends pas le temps de monter et peine à faire le plein avant de traverser le lac de Thoune, en direction du 3ème secteur. Le Niesen donne bien, puis les Spielgerten.

Il est déjà l’heure de rentrer. Ce n’est pas la peine de poursuivre le vol plus longtemps puisque j’arriverais en 3h40. Il faudrait vraiment des conditions incroyablement bonnes pour continuer le vol et essayer d’augmenter sa vitesse moyenne.

Les 1’000 points du premier ne sont pas loin et je termine 2ème avec 909 points et 92.6 km/h de moyenne. Le pilote Marcus Gaümann, probablement le meilleur vélivole de Suisse, est entré dans une TMA de Genève et termine dernier du jour, considéré par le règlement comme «vaché» après seulement 39km.

Epreuve n°4, du 9 juin :

AAT de 2h15 sur le Jura : Les Rousses – Tramelan.

Un bon départ sous les bases, ainsi que de belles conditions sur la première chaîne, me permettent d’aller tout au bout du secteur des Rousses, soit à la hauteur de St-Claude. De là, Cap au Nord dans de magnifiques conditions puisqu’à la hauteur de la Chaux-de-Fonds le calculateur indiquait 135km/h de moyenne ! En entrant dans le 2ème secteur, j’aurais pu retourner directement à Yverdon mais je serais arrivé avant le 2h15, donc la vitesse moyenne aurait été pénalisée. Le ciel est noir devant et les pompes rares. Il me faut pourtant avancer. Le cap Delémont (au soleil) me paraît la meilleure option.

Finalement je me retrouve à 1’000 m entre Moutier et Delémont. Au soleil mais bas ! Par sécurité, j’actionne l’ordinateur de la turbine en prévision de la sortir……mais quelle surprise quand le tableau de commande ne s’allume pas ! plus de batterie ! A force de faire des démos de la turbine sur la place et après la vache du 2ème jour, je n’ai pas pensé recharger la batterie ☹.

Grand moment de solitude à 1’000m avec presque rien pour monter, et surtout les minutes qui s’écoulent et le risque de vacher avec un planeur équipé d’une turbine !! 10 ans plutôt j’aurais explosé de colère dans le cockpit, furieux contre moi. Les années étant passées par là, à force de ténacité et d’observation des oiseaux, un 0.5 m/s me permet de respirer un peu. Aussi cette fois je décide de ne pas quitter l’endroit avant de faire le plafond. Je réussis finalement à rentrer au bercail avec une vitesse moyenne de 102 km/h, certain que ma performance serait moins bonne que les autres pilotes, qui de plus, ne seraient pas tombés dans le trou…

Et bien non, nous ne sommes que deux à avoir tourné le circuit et ceci me gratifie de la première place du jour ! Soulignons encore que Marcus Gaümann s’est à nouveau fait une TMA et a été considéré comme vaché à un petit 63km.

Epreuve n°5, du 10 juin :

Racing task de 422.3km. sur le Jura : Weissenstein – Les Rousses – Sonceboz.

Les conditions sont relativement bonnes et tout le monde attend derrière la ligne qu’un pilote veuille bien se lancer en premier. Lors des Mondiaux Juniors en Hollande, le podium me tendait les bras avant la dernière épreuve (2ème). Le fait d’avoir suivi d’autres pilotes ne m’avait pas souri puisque je terminais 4ème au général à 6 points du 3ème. Moralité : toujours faire SON vol. Ne pas suivre bêtement et prendre ses propres décisions.

Me rappelant cette règle j’ai pris le départ, suivi par 4 autres pilotes. Au Weissenstein, j’avais un peu d’avance sur la troupe mais, aux Rousses, ce n’était plus le cas. Il suffit de peu de chose, comme un thermique à 1.5 m/s alors qu’il y a 2 m/s à coté et 2 ou 3 minutes sont vite perdues.

Après le 3ème point de virage ça se présente plutôt bien mais je suis trop bas à la Sagne, pour passer le Mont-Aubert et rentrer à Yverdon. Au Sud de Môtier, sur la 1ère chaîne du Jura, à 1300m, un petit 1m/s me permet de faire 1’500m et enfin de passer la crête.

Je termine 2ème du jour avec 124.3km/h, mais au classement général c’est le titre de Champion Suisse !!!

Je veux aussi ici remercier toute l’équipe au sol qui a organisé ce championnat de manière extraordinaire et surtout Daniel Rossier, qui a su tirer le meilleur des conditions météo qui n’étaient pas toujours évidentes, et ainsi nous offrir cette belle compétition. Chapeau !! »

    Christophe Leuenberger