Six dures journées à Thun

Du 16 au 21 septembre 2019, les traditionnels « Thuner Kunstflugtagen » (Journée d’acrobatie à Thoune) se sont déroulé sur le très bel aérodrome de Thoune. J’ai pensé qu’il serait peut-être intéressant de partager mon expérience et je voulais d’abord écrire quelque chose de générique. Par la suite, j’ai changé d’avis et pensé que mon ressenti personnel serait peut-être plus apprécié.

Alors le voici :

Lors de ma participation au même événement l’année dernière, j’avais particulièrement apprécié l’ambiance et l’esprit sportif et enthousiaste.  J’ai donc décidé de réitérer l’expérience cette année dans le but de compléter la formation de vol acrobatique et d’obtenir l’extension de ma licence de planeur la qualification acrobatique EASA (EASA aerobatic rating).

Quand mes amis me demandaient ce que j’allais faire pendant ma semaine des vacances, je répondais que j’avais prévu une formation de voltige sur planeur.  La réaction générale à cette réponse était que je devais être complètement fou de faire ce genre de choses à mon âge (61).  Oui, ils ont peut-être raison…

Lundi, nous avons entamé la semaine d’entraînement par un long briefing au restaurant de l’aérodrome. L’événement attire tout type de participants.  Quelques participants voulaient rafraîchir leurs compétences en acrobatie aérienne, tandis que d’autres souhaitaient acquérir une expérience avec des attitudes de vol inhabituelles (la formation à la sécurité). Un pilote devait renouveler sa licence de planeur. Certains participants se sont présentés comme des passagers et voulaient faire l’expérience de sensations fortes, inhérentes à la voltige aérienne et quelque participants voulait confirmer ou obtenir la qualification de « vol en nuage ».

Malheureusement, le planeur ASK21 du club de vol à voile de Thoune, que nous avons pu piloter l’année dernière, a été endommagé cette année par une très forte rafale de vent le soulevant du sol à l’aérodrome et le renversant. Fort heureusement, nous avons pu utiliser l’ASK21 du club de planeur de Berne. En tant que deuxième planeur, nous avons utilisé le planeur de voltige : le MDM1-FOX de la SAGA (Association suisse de vol acrobatique en planeur). Lundi et mardi, il faisait très beau, mais très chaud. J’ai commencé avec l’ASK21 en déroulant pléthore de figures de voltige, telles que des demi-tonneaux, des tonneaux complets, des vols inversés (tête en bas…) avec virages(!), des loopings, des renversements, des demi-Cuban 8, des demi-Cuban 8 reversed, des Immelmanns, des humpty-bumps, etc. J’étais bien sûr accompagné d’un FI (instructeur de vol) en siège arrière.

Mercredi, le temps s’était gâté par une formation de nuages ​​bas et du brouillard. Nos instructeurs de vol ont décidé de commencer la journée avec la théorie : les facteurs humains, l’influence du facteur G sur l’organisme, les effets physiologiques du G-LOC (perte de conscience provoquée par le facteur G élevé), les diagrammes de figures d’acrobatie ARESTI, comment préparer correctement un programme de compétition et créer son diagramme, ainsi que les questions et réponses habituelles. Plus tard dans la journée, le brouillard s’est légèrement dissipé.  Néanmoins, des nuages ​​bas avec un plafond à environ 800 m de hauteur ne nous ont donné qu’une marge de 500 m pour les exercices de voltige (au lieu de 1000 m), et la brume sous les nuages rendait l’horizon presque invisible… Nous avons tenté deux vols : un avec l’ASK21 et un avec le FOX.  Par la suite, nos instructeurs ont décidé de suspendre les autres vols ce jour-là. Personnellement, j’ai apprécié la demi-journée de repos puisqu’après deux jours, j’étais déjà très, très fatigué…

Jeudi, il a fait de nouveau beau et l’entraînement pouvait continuer. L’ASK21 a été attribué aux vols de confirmation et de qualification de « vol en nuage ». Pour les lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec le concept : il s’agit d’un vol en planeur IFR (vol aux instruments). Vous vous servez de vos instruments de bord, en l’occurrence la boussole, l’horizon artificiel et l’indicateur de vitesse. De nos jours, le vol en nuage n’est possible que si vous avez la qualification requise et les instruments nécessaires, y compris le transpondeur.  A chaque fois il faut obtenir l’autorisation ainsi qu’un suivi d’un contrôleur de Skyguide par analogie avec les vols IFR motorisés. Alors, comment entraîne-t ’on ces vols ? La verrière du siège arrière de l’ASK21 est complètement obturée à l’aide d’une bâche en textile.  Etant privé de toute perception visuelle de l’environnement extérieur, vous devez vous fier à vos seuls instruments…. Le siège avant est bien entendu occupé par FI ou un examinateur.

Les stagiaires en voltige ont poursuivi leur programme avec le FOX.  Moi, j’avais commencé avec l’entraînement des vrilles – le départ correct en vrille et surtout la sortie d’une vrille en toute sécurité. S’en suivait la répétition du programme de toutes les figures déjà effectuées au préalable. J’ai été vraiment étonné par la grande réactivité de ce planeur de voltige, et en particulier par la facilité et la vitesse de rotation des tonneaux. Dans l’après-midi, mes instructeurs Adrian Sieber, Peter Lacher et Christoph Meier m’ont concocté un programme de voltige, et j’ai pu immédiatement débuter l’entraînement. Vendredi, les vols dans les nuages ​sont continués sur l’ASK21, tandis que le FOX était réservé à la voltige. J’ai commencé à m’interroger sur mes capacités à terminer la formation et réussir l’examen (la mauvaise météo de mercredi ayant écourté la formation pratique d’un jour).

Samedi : le dernier jour de la formation.  Le programme de « vol en nuage » était arrivé à sa fin.  Les FIs et les planeurs ont été réaffectés au programme de voltige. J’étais sur le point de poursuivre la formation sur ASK21 avec Heinz Brehm (FI et examinateur OFAC).  Je pensais qu’il ne s’agirait que d’un autre vol d’entraînement ordinaire et que, dans un premier temps, je devrais m’habituer de nouveau aux caractéristiques de vol de l’ASK21 (les vitesses d’entrée des figures sont différentes, l’inertie de la rotation est beaucoup plus grande due à l’envergure de 17 m par rapport au 14 m de FOX, ce qui ralentit la rotation de tonneaux etc.).

Heinz était étonnamment silencieux lorsque j’ai exécuté mon programme de vol acrobatique. A l’issue de mon programme, nous avions encore suffisamment d’altitude donc il m’a demandé de procéder à un demi-tonneau, un virage à 180 degrés en vol inversé et un demi-tonneau dans la position normale. Cette figure est très difficile et franchement je ne l’aime pas trop… Cependant, tout s’est bien passé et quelques minutes après notre atterrissage je n’en ai pas cru pas mes oreilles quand j’ai entendu : « OK, vous l’avez !» Je me suis enquis auprès de mon instructeur : « j’ai quoi?»  «LA QUALIFICATION DE VOL ACROBATIQUE EASA »

Appendix :

Avec mes instructeurs à Thun, nous avons immédiatement rempli et signé les documents requis et les avons envoyés à OFAC. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un email de l’OFAC demandant un vol solo de démonstration du programme acrobatique confirmé par un FI. Mon vol solo à Thoune était prévu, mais n’a pas pu être exécuté en raison du manque de temps et de disponibilité des planeurs. Donc je n’avais pas d’autre choix que de retourner à Thoune ou à Shaenis, soit d’essayer de convaincre Dominique Raymond de surveiller mon vol a Montricher et me le confirmer dans mon carnet de vol.

Dominique a eu la gentillesse de venir (et en fait, il n’est venu que pour moi …-  merci beaucoup – …). Je lui ai expliqué pourquoi il était nécessaire de faire un vol en solo sous sa supervision et nous avons fait un très, très long briefing : j’ai expliqué chaque figure que j’allais faire, tous les détails, les dangers, etc. et j’ai commencé directement avec mon vol en solo. Ce n’était pas si facile : il y avait un assez fort vent et aussi pas mal de turbulences.

Finalement tout s’est bien passé ; évidemment certaines figures n’étaient pas parfaites, en particulier le tonneau complet a été très mal exécuté :-(, (j’ai fini hors axe… je dois l’entraîner plus …) … mais l’exécution des autres figures n’était pas si mauvaise ……. J’ai scanné mon carnet de vol avec mon vol solo, confirmé et signé par Dominique, et l’ai envoyé à l’OFAC.

Ce fut alors un immense bonheur de recevoir la réponse disant que cette fois tout était en ordre pour l’inscription de « l’acrobatic extension » dans ma licence de vol à voile.

Ivo Krepelka